Le contre la montre est-il toujours une ‘épreuve de vérité’? (partie 1/3)
|Après presque deux ans sans activité sur le blog, j’avais envie de refaire un point sur la discipline du contre-la-montre (CLM), que je pratique avec toujours autant de passion malgré un gabarit pas vraiment fait pour cela :p (1.76 pour 59kg).
Depuis mes premiers contre-la-montre en 2013, je n’ai cessé de tenter de m’y perfectionner, à la fois via l’entrainement mais aussi via l’optimisation du matériel, un point qui fait dire à certaines personnes que ce genre d’épreuve n’est plus simplement une épreuve de vérité ( https://www.youtube.com/watch?v=xkA6TcDRRls ) , mais également une course à l’armement via toujours plus de matériel aérodynamique hors de prix.
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Puissance brute vs cda
On a toujours présenté à tort le contre-la- montre comme une épreuve où celui qui envoyait le plus de watts le remportait. Pour moi, la première erreur est là, et le contre-exemple le plus célèbre est la rivalité dans les chronos entre Lance Armstrong et Jan Ullrich durant les années 2000. Ce dernier avait, de l’avis de nombreux spécialistes, la plus grosse puissance brute, hors sa position sur le vélo était bien plus mauvaise que celle de l’américain. Résultat: à part en 2003, Armstrong a toujours dominé Ullrich lors des épreuves chronométrés, grâce à sa capacité à mieux se ‘coucher’ sur le vélo.
En montagne, le rapport puissance/poids est primordial, et en chrono ce n’est pas la puissance brute qui compte, mais le rapport puissance/cda.
Qu’est-ce que le cda?
Le cda (ou cd*a) est un terme qui détermine la capacité à se ‘fondre’ dans le vent. Plus il est petit, plus la résistance au vent est moindre, et plus la vitesse sera élevée pour une puissance donnée.
Il est composé de deux termes. Tout d’abord le Cd (coefficient of drag, – coefficient de traînée – on emploi aussi le terme Cx) est la forme de l’objet dans le sens de la prise au vent. De manière très schématique, il s’agit de la forme du cycliste et de sa machine vu de profil. Il s’agit d’un terme sans unité.
L’article wikipedia donne un aperçu assez parlant des différentes formes d’objets associés à leur Cx:
Ainsi qu’un exemple de modèles de voitures qui illustre concrètement l’importance de la forme globale (notamment l’arrière):
En gros: arrière droit, on s’approche d’un gros rectangle, soit 0.82 de Cx selon le premier graphe. Puis arrière en sphère, on tourne autour de 0.47 de Cx et enfin arrière en oval, on rabaisse le Cx en tendant vers le modèle d’une aile d’avion, mais en étant toutefois encore très loin des 0.04.
Étonnamment, le Cx d’un cycliste est très élevé en comparaison d’une voiture: autour de 1, avec un minimum de 0.7 en position chrono! Quelques exemples sont donnés sur cet excellent site dont je vous conseille la lecture: https://www.cyclingpowerlab.com/CyclingAerodynamics.aspx
L’autre terme du Cda est la surface frontale de l’objet en mouvement (area, noté a, soit la surface en m²). C’est plus intuitif que le Cx, puisqu’il est facile de deviner que plus la surface en prise au vent est faible, meilleur sera l’aéro.
Au final on note que le Cda vaut Cd x a, et qu’il s’exprime en m². Pour un cycliste il peut aller de 0.5 (position cyclotouriste) à 0.18 m² (position ‘superman’ bannie par l’UCI au début des années 2000).
Il est amusant de constater que les voitures modernes présentent un Cda de même ordre de grandeur qu’un cycliste (soit entre 0.5 et 0.25) (source: https://en.wikipedia.org/wiki/Automobile_drag_coefficient ) . Cela me semble complètement contre intuitif, je me suis en effet toujours demandé, devant l’importance que représentait l’aéro pour un simple cycliste, pourquoi les constructeurs auto ne faisaient pas des voitures optimisées pour économiser au maximum la consommation de carburant. Et bien, il semble que ce soit déjà le cas, même si à première vue comme ça on ne le dirait pas en regardant la forme des voitures!
De l’importance de la morphologie
Comme je le disais plus haut, on a toujours tendance à penser qu’un coureur lourd et puissant prendra forcément le meilleur en contre-la-montre face à un coureur léger. C’est souvent le cas, mais pas toujours.
En effet un coureur mince et/ou petit aura une surface frontale réduite par rapport à un autre plus ‘costaud’, que ce soit de par la réduction de la prise au vent en hauteur (amplifiée par la taille du cadre), mais également en largeur, et ce sans compter l’épaisseur des bras et jambes.
En plus de cela, la souplesse rentre également dans l’équation aérodynamique: plus le coureur est souple, plus il va réduire sa surface frontale a, mais plus il aura également la possibilité de se rapprocher d’une forme de profil en ‘oeuf’, permettant de réduire son Cx.
Il se trouve que je suis justement un coureur mince et de taille moyenne, mais également souple. Je me souviens par exemple que mon bouclard a halluciné lorsque j’ai ramené mon vélo pour scier la fourche en ayant enlevé toutes les bagues. Je ne conçoit le vélo qu’en étant ‘couché’ dessus, sinon j’ai l’impression désagréable de faire du cyclotourisme assis dans un fauteuil!
Une position non forcée, naturelle, qui me permet de compenser mon manque de puissance.
Depuis 2014 je roule avec un capteur de puissance, et rapidement j’ai été étonné de voir les puissances que sortaient certaines personnes. Ce n’est pas rare que je croise des cyclistes sur Strava qui bouclent une sortie plate à 30km/h pour 200 à 230 Watts de moyenne là où j’en ai besoin de 150 à 160!
Idem lors des compétitions: en général lors des courses en circuit en Ufolep ou Pass Cyclisme je sortais 180 à 215 Watts moyens pour 220 à 240 Watts normalisés. Dans ce même genre de course, d’autres coureurs sont à 250 Watts moyens et près de 300 normalisés, des chiffres qui me semblent complètement hors normes alors qu’on court pourtant dans les mêmes catégories!
Même chose lors des contre-la-montre: alors que je n’ai même pas de vélo de chrono, je roule parfois plus vite que des gars qui sortent 40 watts de plus que moi.
Au début je pensais avoir un soucis avec le capteur, mais à force j’ai du me rendre à la conclusion que le poids (et donc le gabarit qui y est lié) influe énormément sur la puissance à fournir, même sur le plat.
Exemples concrets
Le site cyclingpowerlab cité plus haut nous fourni un calculateur qui permet de se faire une idée de son Cda en fonction de son poids et de sa taille. Ainsi dans mon cas (176 cm pour 59kg), j’aurais un Cda de 0.352 sur un vélo de route avec les mains en bas du cintre ou 0.2171 sur un vélo de CLM. Un gars plus costaud de 185 cm et 75kg aura quant à lui un Cda de 0.3758 sur le vélo de route et 0.243 sur le vélo de CLM.
Il suffit ensuite de rentrer ces chiffres dans le calculateur suivant: http://www.aeroweenie.com/calc.html .
Pour la position sur vélo de route les différences sont faibles (moins de 10 Watts, je reste sceptique, voir plus bas), mais par contre à 250 Watts sur vélo de chrono on note déjà 2 km/h de différence!
Un autre calculateur intéressant, plus simple et qui me semble plus proche de la réalité que j’ai pu vérifier sur Strava, est celui de Vo2Cyling: http://www.vo2cycling.fr/calculateurs-php/65-calculateur-de-puissance
En s’amusant un peu avec les chiffres, on peut par exemple constater que:
- sur un vélo de route à environ 260 Watts en position basse:
- un coureur de 185 cm pour 75 kg sera à 36.8 km/h
- un coureur de 176 cm pour 59 kg sera à 40 km/h (ordre de grandeur que je mesure en général lors de mes CLM)
- ou inversement, pour rouler à 40 km/h:
- le coureur de 185 cm pour 75 kg devra fournir 328 Watts
- le coureur de 176 cm pour 59 kg devra fournir 260 Watts
- enfin, pour illustrer l’importance de la souplesse, sur un vélo de route, un coureur de 176 cm pour 59kg pourra gagner une quinzaine de watts en passant de la position ‘basse’ à ‘très basse’
Voilà qui est rassurant pour les poids légers: oui, dans la roue des coureurs de 80kg on serre les dents, mais la différence de vitesse au final n’est pas monstrueuse. Cela explique (surdosage d’EPO mis à part ;) ), pourquoi des coureurs comme Pantani ou Virenque pouvaient parfois rivaliser lors des chronos. C’est le cas également de Contador, qui au début de sa domination dans les grands tours était très fort en CLM, alors que son poids se situe autour des 62 kg.
Pour conclure, et à suivre
Revenons à l’introduction: l’idée de cet article m’est venu en visionnant la vidéo youtube liée plus haut expliquant que ce n’est plus la puissance, mais la course au matériel (et donc l’argent) qui faisait les classements lors des CLM. En ligne de mire, pas mal de coureurs s’étonnaient qu’un gars avec ‘seulement’ 285 Watts moyen puisse finir un contre-la-montre à près de 48km/h de moyenne ( https://www.trainingpeaks.com/blog/trainingpeaks-after-hours-gcs-state-tt-podium/ ).
Pour en venir à la (fausse) conclusion que ce gars en était là surtout grâce à son matériel et à des études en soufflerie inaccessible au commun des cyclistes. C’est en partie vrai, mais la morphologie du coureur entre également très largement en compte. Le restant va jouer sur quelques pour-cents.
Ce serait faux d’écrire que le ratio watts/kilos est aussi important sur le plat qu’en montée, mais indirectement, via le Cda, on peut dire qu’on s’en approche. Si le coureur est longiligne (on écarte les profils ‘trapus’), alors plus il est petit et léger, meilleure sera sa pénétration dans l’air et plus il pourra rivaliser avec des coureurs puissants, qui sont en général grands et lourds (et donc épais).
Dans la deuxième partie de cette série d’articles, on va rentrer dans le vif du sujet et je détaillerais les différentes optimisations que j’ai pu faire sur mon vélo de route afin de gagner plusieurs km/h pour un même niveau de puissance dans l’optique des CLM. Le tout sans dépenser beaucoup d’argent (pas de cadre de contre-la-montre ni roues aéros), grâce à pas mal de tests sur circuit monitoré via le capteur de puissance.
Bonjour
très très intéressant !!!
avez vous la suite de cette partie 1 ????
« Dans la deuxième partie de cette série d’articles, on va rentrer dans le vif du sujet et je détaillerais les différentes optimisations que j’ai pu faire sur mon vélo de route afin de gagner plusieurs km/h pour un même niveau de puissance dans l’optique des CLM. Le tout sans dépenser beaucoup d’argent (pas de cadre de contre-la-montre ni roues aéros), grâce à pas mal de tests sur circuit monitoré via le capteur de puissance.
Bonjour,et merci ! Malheureusement je n’ai jamais finalisé les autres parties de cette série d’articles :( Pour la partie 2, le but était d’optimiser tous les accessoires : combinaison manche longue, casque aéro, couvre chaussures montantes (tous ces éléments ensemble peuvent faire gagner plus d’un km/h) et surtout ‘bidouille’ des prolongateurs. En effet quand on monte des prolongateurs sur un cintre, cela remonte paradoxalement le poste de pilotage (l’épaisseur et les fixations des repose-poignets) et donc la surface frontale. En étant souple, on peut supprimer les repose-poignets et bricoler pour fixer les prolongateurs sous le cintre au lieu de par-dessus, et très largement améliorer sa surface frontale. J’estime un gain de 15 à 20W. Le hic c’est qu’il faut faire reposer les bras directement sur le cintre, c’est qui peut être douloureux sur la durée, donc prévoir de mettre un peu de mousse…
Sinon j’ai fini par acheter un vélo de CLM (d’où aussi mon manque de tests de la config ‘bidouille’ et la non-publication de la suite), et là les gains sont évidemment encore plus énormes (+2/3 km/h).
Patrick
Merci Patrick pour le retour !!!
je me découvre un engouement sans limite pour le CLM depuis une petite année et souhaite véritablement percer dans cette pratique!!
Alors rapidement presque 35.000kms en 40 mois ….. 1m76 78.5 kgs… je ne suis pas un accroc du D+….. Je parcours 200kms semaine
Je dispose à ce jour d’un CANYON SPEEDMAX CFR 2022 … avec de belles roues BONTRAGER AEOLUS PRO 51….
52/36 ET CASSETTE 11/30 Un beau KASK BAMBINO PRO bref la machine ca va ….
J’aimerais bcp que tu me distilles qqes infos sur la position sur le bolide … et notamment la hauteur de selle ( 78cm EJ ) et la position ou orientation de la tête lors de l’effort.
je suis capable à mon petit niveau de faire des « CLM » de 25 kms en 40 minutes avec des vitesses moyennes aux alentours des 36 kms/h avec 50m de D+ MAX.
Les prochains mois vont donc s’orienter autour de l’atteinte de mon objectif de réaliser ces » CLM » à 40 kms/H
Alors déjà penses tu qu’il soit nécessaire de changer les plateaux en 53/39 par exemple ou je continues à travailler pour l’instant en 52/36?
Merci d’avance pour ton retour !!! et encore bravo pour la partie 1/3 que j’ai dévoré :)
Oui t’as le bon gabarit pour faire des chronos rapides :) Pour la position tu peut t’inspirer de celles des pros, mais c’est vraiment une affaire de ressenti personnel, et de souplesse (jusqu’où tu peux te permettre de te ‘plier’ sur le vélo, sans trop souffrir et sans que ta puissance en soit trop impactée. C’est une affaire de compromis entre watts perdus à cause de la position et optimisation de l’aero . Pour la tête, il faut la baisser pour regarder ton cintre afin de présenter l’aéro du casque face à l’air, mais pas évident dans la réalité .Tu peux faire des tests sur un circuit en boucle, en ajustant la position à chaque tour et en notant puissance et vitesse. Il faut savoir aussi que la philosophie a un peu changé ces dernières années. Moi je suis plutôt de l’ancienne ‘école’ pour abaisser le plus possible le poste de pilotage, mais la tendance maintenant c’est d’avoir un petit cadre et de rehausser le poste de pilotage afin être moins plié et d’être capable de sortir ses watts sans gêne. De même, la mode c’est aussi d’avoir les prolongateurs non plus à plat, mais montants pour pouvoir loger la tête dans ses bras. C’est sans doute très efficace comme position. Sinon pour ton braquet tu as encore de la marge, quand tu seras à 40 km/h, tu pourras passer sur du plus gros notamment pour améliorer la ligne de la chaîne. Bons chronos :)
une fois de plus une réponse très exhaustive …..
lors de tes différents CLM tu as pu échanger avec les concurrents et QUID des développements utilisés ????
outre cet aspect ta partie 1 m’a fortement intéressé sur l’item surface frontale et poids ….En effet pour avoir fait qqes CLM j’ai été fortement impressionné par des petits bouts de femmes de 60 ou 65 kilos capable de me mettre 5 kms/h en moyenne dans la vue mais qui annonçaient même pas 200w sur l’épreuve ????
alors oui elles sont bcp moins trapues …
Pour les développements c’est vrai qu’en général on est plutôt surtout sur du 53/39 ou 54/42, pour des moyennes de 42/45 km/h. Sur mon vélo de chrono j’étais sur du 52/39 au départ, puis je suis passé sur un pédalier rotor avec capteur de puissance et plateaux aero Praxis en 54/42. Pour plusieurs raisons: je tourne pas hyper vite les jambes (90/95 t/min grand max, certains sont à plus de 100), meilleur alignement de chaine, mais également le fait que même sur un chrono plat, il y a toujours une portion soit vent de dos, soit en léger faux plat descendant, qui permet de rouler à plus de 50 km/h. Et là c’est pratique d’avoir un gros braquet. Pour l’aspect surface frontale c’est en effet un point que l’on oublie souvent lorsqu’on dit que les gros gabarit sont avantagés. C’est le cas de manière générale, mais l’aero est tellement important à cette vitesse qu’en effet la surface frontale bien optimisée permet de compenser en partie un petit gabarit (il faut penser aussi à resserrer les bras). Comme je le disais dans l’article, à l’époque ça m’arrivait de battre des coureurs plus lourds que moi et qui sortait 40 à 50 watts de plus. Ca c’est confirmé également avec le vélo de CLM. Avec ce vélo sur mon circuit de test + tous les accessoires aéro j’avais réussi à rouler à 40 de moyenne avec seulement 200 watts :)